Fin des festivités du Têt, nous sommes retournés à Saïgon dans la nuit dernière pour ne pas trop prendre de bouchons (toutefois on n'y a pas échappé tellement, faut pas rêver).
Aujourd'hui c'est grand repos du guerrier, et de son estomac (j'entends les mauvaises langues se délier: oui le foie aussi).
Je voulais me rendre au centre de Saïgon, vérifier que l'exposition florale était toujours présente et Hien qui était encore en congé (il a travaillé jour et nuit jusqu'au dernier jour, donc pas de commentaires désagréables: tout le monde n'est pas à la retraite, quand même), a tenu a me servir de chauffeur.
Pas de bol, tout a disparu à part la représentation du serpent, animal de l'année.
On a trouvé de quoi s'occuper en désespoir de cause: une petite halte gastronomique pour déguster des cuisses de grenouilles mijotées au soja et sa soupe de riz blanc, spécialité de Singapour me présente Hien, suivi d'un massage dans un chouette SPA, des plus sérieux.
Sur ce le retour il me propose de l'accompagner à son entreprise (fermée pour les fêtes). Comme il avait eu plusieurs coups de fils dans la journée, je m'étais dit: les affaires reprennent, c'est bon signe.
Après s'être payé une heure de circulation enivré par les fumées d'échappement et le bruit assourdissant des véhicules qui fourmillent autour de nous, on arrive dans son entreprise, à la limite de la ville et de la campagne.
Je pensais qu'il devait donner des instructions à un couple de salariés permanents (sourds et muets) qui logent derrière l'atelier. Il m'avait expliqué que c'était la garantie qu'ils n'allaient pas se barrer avec la clientèle et le savoir faire (il réalise les agencements, décoration de tous types d'immobilier: maison, appartement, hôtel/restaurant, même casino...).
Vu le handicap, c'est un peu compliqué d'expliquer les consignes par tel, donc je ne suppose qu'il s'était déplacé à cet effet.
Pas du tout ; une fois sur un place il a ouvert en grand le portail qui ferme l'atelier, a pris des bâtons d'encens qu'il a enflammés et présentés en se prosternant devant des autels tutélaires, placés à l'avant et à l'arrière de l'atelier.
Et c'est cela qui est étonnant au Vietnam. Dans tous les commerces et entreprises on trouve systématiquement ces autels, au moins celui dédié au génie de la prospérité (celui qui garantit la réussite du business) et un autre plus spécifiquement lié au secteur professionnel. On trouve ces autels dans tous les restaurants asiatiques en France, à ne pas confondre avec les autels des ancêtres. C'est toujours amusant car un peu anachronique, d'observer un business man en costard cravate, dont le premier geste en arrivant dans son d'entreprise, est de pratiquer ce type de dévouement.
Je m'installe confortablement dans son bureau climatisé et il me sert une bonne bière fraîche et je pensais que l'on attendait le retour des ses salariés. Il m' explique qu'il attend juste que les bâtons d'encens se consument entièrement pour ensuite repartir. Il est venu là pour prendre date me dit il. Car au nouvel an, la première personne qui pénètre chez toi est primordiale, elle présage de la suite de l'année en fonction de si c'est une bonne ou mauvaise personne. C'est pourquoi il voulait être le premier à entrer dans l'entreprise et s'assurait surtout que les salariés n'ont pas profiter de la fermeture pour inviter des copains pour faire la bringue, ce qui serait catastrophique.
La culture vietnamienne est ainsi imprégnée de toutes sortes de superstitions, parfois amusantes, cocasses voire énervantes.